À cette date c’est non seulement IFRS 17 « Contrats d’assurance » utilisée pour le passif, mais aussi IFRS 9 « Instruments financiers » pour l’actif, qui devront être mises en œuvre, à la demande soutenue des assureurs pour que leur bascule soit synchronisée vers ces deux nouveaux modèles.
Aujourd’hui, ce sont les réglementations précédentes que l’assurance utilise : l’IFRS 4 (depuis 2005) et à l’IAS 39 (depuis 2004). La seconde, décriée par les assureurs autant que par les banquiers pour ses difficultés d’application, n’est pas en cohérence avec la première, ce qui génère une distorsion corrigée par une comptabilité dite reflet assez insatisfaisante. Cette situation, toujours considérée comme transitoire, va prendre fin dans deux ans et demi.
Pourquoi une émergence si tardive ?
Cette question pourra être posée notamment par ceux qui ont noté que l’IFRS 9 est en vigueur depuis le début de 2018 dans tous les autres secteurs. Sans retracer l’historique complet, il faut savoir que la norme pour comptabiliser les contrats d’assurance a fait l’objet d’un processus d’élaboration complexe notamment en raison de la non homogénéité des activités du secteur, et de la forte spécificité des principes de comptabilisation de chaque pays européen.
Comment comptabilisera-t-on en 2021 ?
Pour ce rendez-vous, les assureurs doivent se préparer à une double évolution :
– Juste valeur actualisée du portefeuille (best estimate liabilitity) : par une vision prospective des cash flows, c’est-à-dire une évaluation de l’engagement de l’assureur dans le cas où le sinistre couvert viendrait à se produire, étalée sur la durée du contrat (moyenne pondérée des futurs flux de trésorerie, en fonction de leur probabilité, actualisée).
– Juste valeur des actifs, principe de l’IFRS 9 repris de l’IAS 39, avec un champ d’application limité. A partir de trois catégorisations d’instruments financiers selon les intentions de gestion, l’IFRS 9 retient deux modes de valorisation : juste valeur ou coût amorti, et deux modes de comptabilisation : au résultat ou en capitaux propres.
En lien avec Solvabilité II… les assureurs ne vont pas manquer de relever les fortes similitudes :
– Les actifs en valeur du marché pour les deux systèmes (avec une part de coût amorti en IFRS 9)
– Les provisions techniques en best estimate dans les deux systèmes (même si la granularité est plus fine en IFRS 17)
IFRS 17 introduit au passif deux agrégats dont les principes diffèrent de ceux de Solvabilité II :
– La marge de service contractuelle (cette marge enregistre à la souscription le montant du profit d’un contrat dans les capitaux, montant qui est ensuite réintégré au résultat tout au long de la durée du contrat) ; cette notion permet de distinguer les produits d’assurance et les produits financiers
– L’ajustement pour le risque, qui représente l’incertitude sur les flux futurs (dont la méthode de calcul diffère de la marge pour risques de Solvabilité II) … et qui constitue une marge d’évaluation et d’interprétation.
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SOLVABILITÉ 2 | Adapter les fonds propres aux risques encourus par l’activité : logique prudentielle | Applicable au 1er janvier 2016 | EUROPE Entités dont CA > 5 M €
Alors, qu’est-ce que vont changer les IFRS dans l’assurance ?
Tout d’abord, de cette régulation de l’activité, on attend des progrès en matière de communication et de transparence financière, d’évaluation, de comparabilité et de consolidation des comptes (rappelons que l’IASB suit les recommandations du G20 après des crises qui avaient entre autres origines des faillites aggravées par des pertes dissimulées) … avec cependant en contrepartie des résultats plus volatils et des effets procycliques.
Selon le secteur d’assurance, notons que les changements ne vont pas être les mêmes : c’est la comptabilisation des contrats vie qui va être la plus impactée, les contrats non vie pourront continuer pour la plupart à être comptabilisés classiquement, en enregistrant directement la prime dans le résultat (Premium Allocation Approach).
Au sein des compagnies concernées, les acteurs majeurs de ces évolutions vont être les actuaires, tout comme dans le cadre de Solvabilité 2, le métier de technicien pur de l’assurance amplifie son rôle dans l’évaluation économique de l’entreprise.
Comment procéder à la mise en œuvre : le projet doit commencer dès à présent si ce n’est déjà fait. Il est en effet prévu de fournir en 2021 un comparatif des chiffres 2020 selon les normes avant/après. Il faut prévoir trois chantiers principaux :
– Choix des méthodes de calcul, classification, granularité, modèles actuariels
– Recueil des données financières nécessaires : évolution du SI (alimentation, modélisation, comptabilisation)
– Processus de production des comptes et communication financière
En définitive, le véritable changement dépendra du degré d’appropriation de la nouvelle norme : les assureurs souhaiteront-ils l’acquérir pleinement et en faire un instrument de pilotage de leur politique et de leur gestion ?
Article rédigé par Michel GAUDE, Manager Expert Assurance et Protection Sociale