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La performance des infrastructures a toujours assuré l’attractivité des villes, via l’accessibilité à la formation et à l’emploi, aux services et loisirs du quotidien ; aujourd’hui une autre composante vient s’ajouter, celle de la transition écologique : réduire les émissions de CO² et préserver les ressources et la biodiversité. Avec plus d’1 million de kilomètres de routes, 30 000 km de voies ferroviaires et 8 500 km de voies navigables, la France a le réseau de transport le plus étendu et le plus dense d’Europe. Pour assurer son fonctionnement, le gouvernement y investit chaque année 1 % du PIB français. Malgré cet investissement, de nombreux services et infrastructures ne répondent plus aux besoins des territoires et des populations. La France doit en effet faire évoluer son réseau en cohérence avec les enjeux écologiques, les nouveaux besoins sociaux et politiques dus à l’éloignement des banlieues de l’hypercentre et avec le besoin en connectivité des transports induit par les nouvelles technologies.
Face à l’évolution de ces enjeux, dans quelle mesure les gestionnaires d’infrastructure adaptent-ils le réseau ?
Un aménagement concentré sur la mobilité du quotidien : les nouveaux axes de développement du réseau
Historiquement, le réseau national de transport est organisé en étoile autour de Paris et localement autour des grandes villes. Les projets d’ordres nationaux, autoroutes et LGV (Ligne à Grande Vitesse), ont été privilégiés au détriment du réseau urbain. Aujourd’hui la tendance est à l’inverse, politiques et gestionnaires d’infrastructures misent donc sur la performance des transports en ville et luttent contre la congestion routière et la pollution, la voiture s’étant imposée même sur les trajets courts (58 % des personnes parcourant moins d’un kilomètre domicile-travail utilisent une voiture). La mobilité locale est en effet une priorité, elle concentre la majorité des déplacements (98,7 % des déplacements des Français).
Au cours de ces dernières années, l’accroissement de la population et l’étalement des périphéries autour des métropoles, ont fait apparaître de nouveaux besoins de transport. Certaines zones territoriales sont plus démunies que d’autres et marquent de réelles inégalités. Les usagers parcourent plus de kilomètres pour des trajets domicile-travail mais le temps de déplacement moyen doit rester le même. Pour cela, l’offre de transport doit se développer autour d’une logique multimodale, interopérable et la plus homogène possible afin de faciliter accès et échanges, le but étant d’éviter les ruptures de charges : une mobilité sans couture.
La désaturation du réseau : nouveau maillage d’une infrastructure connectée
Sur le réseau autoroutier, l’autoroute bas carbone est la réponse concrète des gestionnaires pour fluidifier les circulations et réduire les émissions de CO². Elle repose sur le report modal, l’accompagnement des usagers dans les mobilités décarbonées et la promotion des projets écologiques aux abords ou concernant l’autoroute. En ce sens, des pôles multimodaux permettant le rabattement des usages pendulaires via des parkings relais et offres diversifiées qui se développent aux abords des villes. Sur l’A10, entre Dourdan et Massy-Palaiseau, un service bus express sur « site semi-propre » a été déployé proposant un service plus rapide que le véhicule privé et évitant les bouchons.
En zone dense, le maillage serré du réseau ferroviaire rend l’exploitation de certaines lignes et nœuds ferroviaires particulièrement compliquée, ce qui engendre retards et mécontentement des usagers. La région Île-de-France en est un parfait exemple, certaines gares comme Paris-Gare de Lyon, Bercy, Austerlitz et Gare du Nord accumulent de nombreux réseaux (RER, Transilien, TER, TGV). La désaturation de ces nœuds améliorerait la fréquence des dessertes et la qualité de service.
En Île-de-France l’une des solutions envisagées est le développement du réseau de métro/RER ; la prolongation et création de nouvelles lignes offriront de nouvelles connexions périphérie-Paris et inter-périphérie (petite couronne et partiellement grande couronne) : c’est le Grand Paris. Ces interconnexions entre banlieues viennent contrer le schéma en étoile et soulager les grands axes et nœuds ferroviaires. Elles redynamiseront également l’activité hors Paris.
Ces lignes accueilleront des rames de nouvelles générations, elles interagiront automatiquement avec l’infrastructure. Le réseau doit répondre alors à un enjeu technique, être capable d’optimiser l’exploitation des rames : espacement réduit et modulable, vitesse élevée, etc. Le projet Nexteo déployé sur le RER E en est un exemple.
L’arrivée des nouvelles mobilités : le bouleversement de l’aménagement du paysage urbain
L’offre de transport en commun est complétée par une offre complémentaire, celle des mobilités intelligentes. Les villes sont en pleine transformation afin d’accueillir ces nouveaux modèles de transport.
Le développement des trottinettes électriques et des vélos en free-floating nécessite la création de nouveaux espaces pour les accueillir. En ville, le Covid-19 ayant boosté l’utilisation de ces services, de nouvelles voies temporaires et durables ont été créées. Pour une intégration harmonieuse avec le reste des circulations, ces voies doivent être dimensionnées en cohérence avec le besoin. Le réseau continue à se développer afin d’assurer une continuité d’itinéraire. La rapidité d’adaptation pour transformer et moduler les espaces a été l’un des facteurs de réussite dans la réponse à l’augmentation de la demande. Smovengo (société exploitant les Vélib’ à Paris) prévoit d’ici 2025 de doubler l’offre, soit de passer de 19 500 vélos et 1 400 stations à 40 000 vélos et 3 000 stations.
L’infrastructure contribue à la transition écologique, comme nous l’avons vu, à travers les nouveaux aménagements destinés aux alternatives à la voiture mais également aux évolutions facilitant l’insertion de véhicules moins polluants, électriques et à hydrogène, via le déploiement des bornes de rechargement. En ville, les habitants d’immeuble rencontrent des difficultés pour recharger leur véhicule ; l’aménagement des copropriétés avec des systèmes de rechargement doit suivre. L’installation d’un tel système pourrait suivre le modèle de financement de la fibre : les opérateurs ont installé la fibre gratuitement dans les copropriétés, en contrepartie, ceux utilisant le service payent un abonnement. Sur le réseau autoroutier, encore trop peu de stations sont équipées de charges rapides qui sont d’ailleurs trop spécifiques aux véhicules électriques haut de gamme et ne correspondent pas aux entrées et moyennes gammes. Constructeurs et équipementiers doivent agir en conséquence.
Le nombre de bornes de rechargement est prévu d’être multiplié par 5 d’ici 2022.
L’aménagement des autoroutes contribue aussi à promouvoir la mobilité partagée. Sur certaines portions d’autoroutes, des voies seront dédiées à la circulation du covoiturage. Ce type d’initiative permet de densifier l’occupation de la voiture (taux d’occupation de la voiture à 1,1). Des capteurs longeront les voies réservées pour compter le nombre de passagers et assureront la vérification des véhicules autorisés à y circuler.
Nouvelles technologies : le besoin d’une couverture réseau
Beaucoup de ces nouveaux services sont accessibles via des applications sur smartphone nécessitant un accès à Internet. Si la plupart des zones denses sont couvertes par les données mobiles, il en est autrement pour les zones rurales, dépourvues de connexion. Les infrastructures devront s’équiper de système de localisation précise, de transmission des données performante (5G) et homogène sur tout le territoire afin d’assurer une continuité de service.
C’est en effet l’un des premiers prérequis au développement des véhicules autonomes et connectés. L’automatisation de la conduite repose sur la capacité du véhicule à comprendre et réagir face aux différents scénarios qu’il peut rencontrer. Le véhicule est en communication permanente avec son environnement : des capteurs embarqués dans le véhicule recueillent les informations environnantes, l’information remonte au centre de gestion du trafic du gestionnaire d’infrastructure (V2I) qui le redistribue ensuite aux véhicules environnants (I2V).
De nombreuses expérimentations sont actuellement en cours pour évaluer la performance des systèmes et recueillir le maximum de données, le projet InDiD en est un exemple. Présent à Grenoble, Paris, métropole Aix-Marseille, il vise à tester et développer des infrastructures numériques au service des transports intelligents et coopératifs (STI-C). Les véhicules seront particulièrement challengés en ville, dans un environnement complexe : règles de priorités, bifurcations et travaux affectant la voie, etc. Ces éléments, qui d’ailleurs peuvent parfois être spécifiques à un paysage urbain, seront couverts par des équipements de radio-télécommunication et internet, des objets connectés afin d’aider le véhicule à faire les bons choix de circulation.
Le développement de ce genre d’équipements le long des routes facilitera la surveillance et la gestion du trafic pour le gestionnaire d’infrastructure, certaines commandes étant automatisées (état du trafic temps réel, déclaration d’accident, comportement dangereux, etc.). Le gestionnaire pourra communiquer avec l’usager de manière directe et géolocalisée.
Le digital au service des activités de maintenance : cap vers une industrialisation et une optimisation des opérations
Depuis toujours, l’investissement dans les nouveaux aménagements a été privilégié par rapport à la modernisation et la maintenance de l’existant. Aujourd’hui le patrimoine du transport français est vieillissant et par conséquent tout manque d’entretien peut avoir de lourdes conséquences sur l’état des circulations. Les derniers accidents (Brétigny-sur-Orge, Gare Montparnasse) en ont rappelé les conséquences : dommages corporels, matériels, retards généralisés sur l’ensemble des lignes.
Des moyens sans précédents, à tous les niveaux (techniques et organisationnels) ont été déployés, pour améliorer la connaissance du patrimoine de l’infrastructure (arrivée de la maintenance prédictive qui permet d’appréhender au plus près les comportements des équipements), déterminer la valeur du patrimoine, hiérarchiser les niveaux de service et optimiser les techniques de maintenance. La gestion de la maintenance s’est industrialisée à travers la revue et la modernisation de ses processus et des SI utilisés. La démocratisation de solutions de GMAO (Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur) chez les gestionnaires d’infrastructure en est un exemple concret. Véritable outil d’aide à la décision, son utilisation permet d’améliorer la fiabilité et la disponibilité des équipements tout en assurant la transversalité et l’harmonisation des référentiels travaux. La digitalisation des processus de maintenance se poursuit avec le déploiement du BIM, solution complémentaire qui optimiserait celle de la GMAO.
A2 s’investit également auprès de ses clients gestionnaires d’infrastructure pour les accompagner dans leur stratégie de transformation digitale sur des sujets tels que la définition de schéma directeur SI intégrant les différents besoins concourant à la mise en place de nouveaux SI et à faire évoluer ceux existants.
Article rédigé par Alexandre LEROLLE, Consultant Transport A2 Consulting, avec le concours de Chahden CHERIF, Associé Transport A2 Consulting
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