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Quel bilan peut-on tirer de ces trois premières années d’appropriation et d’application ?
La loi sur le devoir de vigilance a été adoptée en 2017 en France. Elle est le premier pays à s’être doté d’une législation visant à responsabiliser les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordres quant aux agissements de leurs sous-traitants fournisseurs en matière de droit humains, de santé/sécurité et d’environnement.
Est-ce que la loi sur le devoir de vigilance a transformé les pratiques des acteurs ?
Est-elle réellement applicable ? Quelles sont ses limites ?
Que peut-on retenir de ce modèle français à l’heure où l’Europe commence à travailler sur un projet de directive ?
Pour accompagner, encourager et responsabiliser l’ensemble des parties prenantes sur le devoir de vigilance, de nombreux travaux sont menés.
Le bilan des plans de vigilance
Le bilan des plans de vigilance est mené par l’association EDH (Entreprises pour les Droits de l’Homme) depuis 2018. Cette étude est une analyse des plans de vigilance publiés, qui met en avant les bonnes pratiques et les challenges face au défi de réaliser un plan de vigilance. L’objectif de ce bilan est d’aiguiller les entreprises françaises et de démystifier la loi sur le devoir de vigilance.
La nouveauté observée sur cette troisième année des plans de vigilance est un effet de déploiement vers l’extérieur, dépassant désormais l’entreprise, le corporate. Après le temps des cartographies, des indicateurs, des audits et des études, les entreprises ont commencé à mettre en œuvre et dérouler des dispositifs de suivi (des mesures mises en place) et de résolution (des risques identifiés).
Le Prix du meilleur plan de vigilance
Le prix du meilleur plan de vigilance a été créé et organisé par le FIR (Forum pour l’Investissement Responsable) et A2 Consulting pour encourager et récompenser les meilleures pratiques ESG. Ce qui caractérise la démarche du FIR et d’A2 Consulting, c’est la mise en place d’un référentiel propriétaire d’une méthodologie qui a fait ses preuves depuis 2 ans.
Plusieurs constats peuvent être énoncés suite aux deux premières éditions du prix du meilleur plan de vigilance :
- Le degré de maturité : les dispositifs de vigilance mis en place ne sont pas à un niveau que nous serions en droit d’attendre. En pratique, les entreprises sont parties de relativement loin pour aujourd’hui déboucher sur la formalisation de leurs plans de vigilance.
- Peu d’entreprise ont un niveau de maturité qualifié “d’élevé” : par rapport à l’année dernière, il n’y a pas de progrès considérable sur le fond (les modalités techniques). Environ 5 % des entreprises évaluées sont dans la classe qualifiée de “supérieure”. Il y a une dissymétrie entre les notes liées à la démarche, la communication, et celles qui relèvent des obligations réglementaires.
- Les pratiques ESG ont progressé depuis 3 ans : les entreprises ont acquis de l’expérience même si le nombre d’entreprises leaders n’a pas bougé sur les trois derniers exercices.
De plus, notre expert Patrick Viallanex relève un point critique et vital qui est l’incapacité d’apprécier les risques au regard de la capacité que l’entreprise a de les gérer : des méthodologies de cartographie des risques non standardisées, un référentiel de risques absent, l’organisation de l’entreprise et sa chaîne de valeur non prises en compte, etc.
Les grands absents sont également les résultats explicites en termes d’exposition sur la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises font face à des dossiers extrêmement complexes qui mobilisent énormément de parties prenantes en interne et au manque de remontée des indicateurs concernant la chaîne d’approvisionnement. Pour mettre en place des actions correctives, il faut avant tout que les entreprises soient capables d’avoir cette visibilité sur les risques… Visibilité que les entreprises recherchent encore.
Après les deux premières éditions du prix du meilleur plan de vigilance, force est de constater que les pratiques ESG des entreprises ne sont pas parfaites. Les progrès sont considérables, mais il reste de nombreux points d’amélioration, notamment en ce qui concerne le pilotage (objectifs et trajectoire).
Les investisseurs recherchent toujours l’appropriation des enjeux ESG par les entreprises tout au long de la chaîne d’approvisionnement, que celles-ci gagnent en maturité et ainsi d’assurer la pérennité du groupe entreprises/investisseurs qui répondent par leur engagement à des intérêts communs.
Le radar de la vigilance
Le radar de la vigilance, à l’initiative de CCFD-Terre solidaire et Sherpa, a pour objectifs de contribuer à l’efficacité de la loi, de mesurer son application et de la rendre accessible et compréhensible à l’ensemble des acteurs.
Cet outil recense les entreprises concernées par la loi sur le devoir de vigilance et émet des recommandations sur sa mise en œuvre. En 2020, le radar de la vigilance a identifié 265 entreprises soumises au devoir de vigilance. Certaines n’ont encore publié aucun dispositif.
Les travaux du radar de la vigilance permettent de dresser plusieurs constats :
- L’opacité des informations relatives aux entreprises ;
- Beaucoup d’entreprises françaises échappent à l’application de la loi ;
- Des entreprises qui semblent remplir les conditions d’application de la loi mais elles ne publient pas de plans de vigilance.
L’identification des entreprises soumises à la loi sur le devoir de vigilance n’est que la première étape du suivi de la mise en œuvre de cette loi et répond au besoin de transparence de sa mise en œuvre du côté de la société civile notamment.
L’obligation et le devoir de vigilance ne s’arrêtent pas à la publication d’un plan. Il ne faut pas que les plans de vigilance créent une confusion et n’éclipsent l’entièreté de la loi sur une demande de vigilance effective.
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour une vigilance effective. Méthodologie, lisibilité et transparence sont des enjeux auxquels devront faire face les entreprises afin de répondre aux besoins des parties prenantes et à la prise de conscience grandissante de la société.