03 février 2021

Prise de parole / Avis d'experts

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La voiture : premier transport en FranceEn France, la voiture reste le moyen de transport privilégié, elle représente 80 % des trajets domicile travail. Même en ville, là où l’offre de transport en commun est la plus développée, elle reste reine et assure 70 % de ces trajets. Les axes d’échanges principaux en ville et entre les villes ont atteint leur limite. Que ce soit pour des déplacements quotidiens ou des départs en vacances, le nombre de kilomètres de bouchons ne cesse de croître, des records sont battus chaque année.

L’OCDE a prévu quant à elle, un besoin en nombre de déplacements de 400 000 milliards entre 2018 et 2050 dont 97 % à effectuer en milieu urbain. Face à ce constat, gouvernement, régions et villes mènent une politique agressive pour changer les habitudes de transport vers des déplacements partagés et plus responsables de l’environnement.

Malgré tous les moyens mis en œuvre, le grand public et les collectivités attendent impatiemment la sortie du véhicule autonome qui compte s’imposer face aux transports de surface existants. Le véhicule autonome représente pour certains le chaînon manquant d’un écosystème de transport performant technologiquement, socialement et environnementalement parlant. Alors, au-delà de cette nouvelle technologie, le véhicule autonome peut-il être pertinent pour les zones territoriales qui cherchent à endiguer l’utilisation de la voiture ?

Le véhicule autonome est souvent perçu par le grand public comme un véhicule ultra luxe à usage privé. Les premières pensées se dirigent naturellement vers Tesla, mais ce modèle n’est qu’une représentation infinitésimale de ce que peut être le véhicule autonome, il peut- être une navette, un bus, un tramway ou même un train. Les technologies d’autonomie restent certes similaires. Les véhicules sont couverts d’une couche de capteurs permettant de récupérer les informations nécessaires pour reconstituer une interprétation de l’environnement et sont équipés d’un processus de décision pour dessiner la trajectoire à prendre. Néanmoins, les besoins et usages sont variés.

 

Un service partagé et complémentaire à l’offre de transport existante

Pour répondre à la problématique de congestion et donc réduire le taux d’occupation au sol, le service lié aux véhicules autonomes doit être partagé, c’est-à-dire qu’il doit répondre simultanément aux besoins communs des usagers. Cette nouvelle technologie s’intègre dans une logique de complémentarité aux services déjà existants avec des capacités d’accueil réduites à ses débuts. Les premières expérimentations et les premiers services mis en place sont assurés par des navettes d’une capacité d’accueil moyenne d’une douzaine de personnes.

Les premiers usages sont destinés à couvrir des zones territoriales délaissées par une offre de transport en commun, principalement pour des raisons économiques. Par ailleurs, l’intérêt d’intégrer ce type de service dans l’hypercentre est limité, l’offre étant déjà complète, son arrivée pourrait même perturber le système de transport (manque de maturité sur la technologie, manque de prise de recul sur le service à mettre en place, etc.).

Les services sont alors orientés sur des connexions en zones périurbaines et rurales de type derniers kilomètres, liaison entre deux lignes, renfort d’une ligne existante. Les expérimentations RATP reliant le métro Château de Vincennes au Parc Floral (dernier kilomètres) ou celles de Keolis à Rennes (liaison entre deux arrêts de bus) en sont des exemples. Les premiers véhicules couvrent des distances réduites dans des environnements ‘’simples’’ en interactions. Certains sites industriels, Technoparcs, campus universitaires et aéroports prévoient de s’équiper de cette nouvelle technologie. Ces expérimentations viendront valider les performances et l’autonomie des véhicules, les cas d’usages et les modèles économiques pour les développer à plus grande échelle. À terme la technologie se greffera sur des modes de transports plus lourds, tels que le bus et proposera une offre de service compatible avec les besoins de l’hypercentre, le Mass Transit. Cet horizon reste encore bien lointain : la réglementation doit évoluer pour autoriser la mise en circulation des véhicules équipés d’ADA (aide à la conduite) de niveau 5 et ainsi favoriser le développement des véhicules autonomes.

 

Benchmark des constructeurs de véhicule autonome et de leur expérimentation

Benchmark des constructeurs de véhicule autonome et de leur expérimentation

 

Droit à la mobilité et report modal de service

Le service du véhicule autonome est une nouvelle opportunité pour les zones isolées d‘accéder à une offre de mobilité. Selon la zone et les besoins à couvrir, la région et l’opérateur pourront proposer des services plus souples qu’un simple itinéraire à arrêts fixes comme peut l’offrir un service de bus classique. Le transport à la demande (TàD) est une solution déjà existante qui permet à l’usager de commander son trajet via la plateforme du transporteur. L’opérateur optimise l’ensemble des trajets en répondant simultanément aux besoins d’itinéraires similaires.

Le TàD ne propose pas forcément un trajet d’un point A à un point B choisi par l’usager mais peut être vu comme une solution de report modal. Il va donner aux usagers la possibilité d’accéder à un service de transport en commun développé. C’est également une solution pour répondre aux besoins spécifiques tels que ceux des personnes à mobilité réduite.

 

Les véhicules autonomes et leurs usages

Les véhicules autonomes et leurs usages

 

France : régulation par les collectivités territoriales

Qui dit nouveau service, dit nouveau marché. Certains opérateurs de transport, comme la RATP, Transdev et Keolis l’ont bien compris et n’hésitent pas à s’afficher comme précurseurs du développement et de la maîtrise de ces véhicules. Ces acteurs historiques seront très certainement concurrencés par des nouveaux entrants (Google, Tesla, etc.), maîtres de la conception et de l’exploitation.

Collectivités territorialesSelon le service proposé, l’offre pourra être soumise ou non à appel d’offres. C’est le cas du Mass Transit en France, où l’opérateur du service doit rendre des comptes à l’autorité organisatrice des transports. Néanmoins les autres offres doivent également s’attendre à être soumises au contrôle des collectivités. Pour rappel, le marché des trottinettes électriques à Paris s’est vu réduit à 3 opérateurs quand son nombre explosait à ses débuts. Le service des véhicules autonomes pourrait lui aussi connaître le même sort, dans un souci d’uniformisation des technologies pour en faciliter la gestion. Même si les attentes des collectivités ne sont pas encore définies, la sécurité en sera le maître-mot (accidentologie, protection des données personnelles, cybersécurité, etc.). La maintenance, la recharge des véhicules et la responsabilité environnementale seront aussi des points d’attention. Les grands gagnants seront ceux qui auront réussi à assembler avec harmonie les éléments propres aux véhicules autonomes (cités ci-dessus) à ceux d’un système de transport classique (une offre durable dans le temps, fiable, souple et adaptée à la demande).

 

Un service contrôlé par une entité dédiée

Les véhicules autonomes seront connectés : ils seront capables d’interagir avec les autres véhicules et leur environnement. Les outils de gestion de l’exploitation devront évoluer en ce sens. Pour chaque maillon du processus, les outils de planification, de suivi de réalisation du service, de communication et de contrôle seront optimisés.
À l’image de l’exploitation ferroviaire, les villes détentrices de véhicules autonomes s’équiperont de postes de supervision (PCC). Ces postes de commande permettent à l’opérateur d’avoir une vision complète et en temps réel de l’état du trafic.

Véhicules autonomes connectésCe poste jouera un rôle stratégique dans l’exploitation et la fluidification du réseau, il permettra à l’opérateur d’être plus performant dans la prise de décision. Il sera à même de conseiller et d’interagir avec les véhicules autonomes. En cas de congestion liée à une situation prévue (travaux, manifestations) ou non (accidents) le superviseur pourra envoyer une alerte aux véhicules pour leur proposer un trajet de contournement. Lors d’un accident le superviseur sera le premier à évaluer les dégâts et avertira les secours en conséquence.

Si aujourd’hui la présence d’un agent à bord est obligatoire pour tout service commercial, l’automatisation amènera à la déshumanisation de l’exploitant dans les transports. L’opérateur devra néanmoins trouver un moyen de garder un lien humain pour assurer l’accompagnement de sa clientèle et veiller à garder un service d’assistance à la personne notamment pour couvrir les besoins d’une population vieillissante (inclusion, difficulté à se mouvoir).

 

Le modèle « européen » versus « américain »

De l’autre côté de l’Atlantique, nos voisins américains prévoient un usage pour le véhicule autonome différent du modèle européen. Il s’agit principalement d’un usage privé avec une mobilité partagée réduite. Tesla par exemple prévoit de créer une plateforme de partage de véhicules qui permettra à chaque propriétaire d’une Tesla de mettre sa voiture en location sur un créneau horaire donné. Le constructeur américain voit dans cette solution, outre l’aspect technologique, une dimension sociale : en mettant son véhicule en location, on en fait baisser le coût de propriété.

Le modèle a cependant des limites. Ce genre de véhicule, cher à l’acquisition, reste réservé à une catégorie aisée de la population qui pourrait donc préférer se passer d’une telle source de revenus et ainsi éviter le risque de dégradations et de vol. Qui plus est, le pic de demande en transport reste concentré sur des plages horaires limitées le matin et le soir. Le véhicule ne pourrait alors répondre qu’à un nombre réduit de courses tout en relevant les défis des trajets à vide.

Le modèle n’a donc qu’un effet limité sur la congestion des villes. La propriété d’une voiture autonome ne représenterait alors qu’un nouveau marqueur de réussite…

 

Aujourd’hui, A2 Consulting s’investit également auprès de ses clients du secteur du transport pour les accompagner dans le déploiement de services innovants sur les phases de cadrage et de déploiements, sur des projets de valorisation de données et de pilotage d’expérimentations.

 


 

Article rédigé par Alexandre LEROLLE, Consultant Transport A2 Consulting, avec le concours de Chahden CHERIF, Associé Transport A2 Consulting

 

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