05 mai 2020

Prise de parole / Avis d'experts

Les opérateurs de transport face à la crise du COVID-19 : enjeux et perspectives

A2 Consulting, cabinet de conseil ayant une forte expertise dans le secteur des transports, se penche depuis plusieurs années sur le sujet des mobilités. Dans ce contexte de crise du COVID-19, nos experts vous ont décrypté les enjeux des opérateurs de transport (aérien, ferroviaire, véhicule privé et mobilités douces) pour répondre de manière spécifique aux besoins générés par ce contexte inédit.

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Protection COVID-19 : le défi des transportsSuite à la propagation du COVID-19 et aux mesures de confinement, les déplacements des Français ont diminué en moyenne de 80 % sur toute la France et quel que soit le mode de transport utilisé. La part des déplacements longue distance (plus de 10 km) a diminué au profit des courtes distances. En situation nominale les zones d’échange sont concentrées principalement dans les gares ou dans les quartiers touristiques et de loisirs. Alors qu’en situation de confinement, la zone d’affluence se situe dans les zones d’activité de la santé (hôpitaux, pharmacie) et dans les zones résidentielles. Ces changements ont un impact direct sur les modes de transport utilisés et par conséquent sur l’activité des opérateurs de transport.

Alors face à la crise, à quels enjeux les opérateurs de transports doivent-ils répondre ?

L’aérien, ‘‘mis en attente’’, un lent retour à la normale

Avec un effondrement du trafic de 86 % en Europe, l’aérien est le mode de transport le plus impacté par la crise du COVID-19. À titre d’exemple, seulement 18 avions d’Air France-KLM circulent en moyenne par jour dans le monde contre 2 000 à la même époque. En vue du déconfinement annoncé, les compagnies réfléchissent aux mesures qu’elles pourraient mettre en place pour répondre à une activité viable pour l’entreprise et sereine pour son personnel de bord et ses passagers.

Trafic aérien mis en attente pendant le COVID-19À l’entrée de l’aéroport, certains acteurs ont pensé à un contrôle de la température et prévoient aux portes d’embarquement des certificats stipulant que le voyageur n’est pas positif au COVID-19. L’attestation devra être réalisée dans les 5 jours précédant le départ. Cette solution laisse entendre la généralisation de tests, ce qui pour l’instant n’est pas confirmé. D’autres prévoient que personnel navigant et passagers pourraient porter masque et gants. Il semblerait aussi indispensable de désinfecter les avions après chaque vol et non pas seulement une fois par jour.

La distanciation sociale sera quant à elle un geste barrière compliqué à respecter. En effet selon le chef de la direction de l’Association du transport aérien international, aucun vol n’est capable d’être bénéficiaire avec un taux de remplissage à 50 %.

Plusieurs scénarios tablent sur une reprise d’activité d’avant crise entre décembre 2020 et début 2022.

Transports en commun : une offre tournée vers les acteurs de la gestion de crise

En cette période de confinement, les opérateurs sont passés d’un service mass transit à un service de continuité territoriale édicté par les directives d’un plan de pandémie. Les premiers jours précédant les mesures de confinement, les acteurs de la mobilité ont d’abord concentré leurs efforts sur le rapatriement des populations vers leurs lieux de confinement.

La circulation des TGV et des Intercités a ensuite été progressivement réduite pour arriver à 7 % du trafic habituel, celle des TER à 15 %, celle des Transiliens à 25 % et celle des métros à 30 %. Les transporteurs doivent continuer à assurer une couverture maximale aussi bien sur le réseau que sur la plage horaire desservie afin d’éviter l’abandon de zones territoriales. L’offre de service doit apporter une continuité de transport pour les travailleurs essentielle à la gestion de cette crise.
Le mode d’organisation des transporteurs a été revu, des cellules de crises ont été ouvertes, afin d’adapter l’offre de service et être réactif aux aléas du virus. En ce sens, les transporteurs travaillent en étroite collaboration avec les forces de l’ordre et les CHU pour définir les axes prioritaires à desservir. Ainsi des itinéraires bus ont été créés voire renforcés, pour ceux déjà existants, reliant la banlieue avec les hôpitaux.
En ce temps de confinement et malgré le service dégradé, l’enjeu des transporteurs est d’assurer un haut niveau de service pour le personnel médical en :

  • Réduisant au maximum les durées des trajets
  • Aidant au respect des gestes barrières : distanciation sociale et désinfection des trains
    Pour cela, les transporteurs proposent un taux de service supérieur à la fréquentation des usagers (5 % en moyenne). Transilien a par exemple maintenu un nombre minimum de voitures grâce à une exploitation des trains en unités multiples (plusieurs rames attachées).

Par ailleurs, les transporteurs, et plus particulièrement la SNCF, ont mis en place des convois exceptionnels pour le rapatriement des malades vers des zones où les hôpitaux sont moins engorgés.

Agilité, réactivité et pragmatisme : voilà ce qui est attendu des transporteurs ferroviaires pour le déconfinement

Intérieur d'une rame de métroLes acteurs de la mobilité doivent également préparer le déconfinement. Ils seront dans les prochains mois à venir les acteurs indispensables pour la reprise de l’activité du pays et l’aider à sortir de la crise. Les autorités organisatrices de transport et transporteurs font déjà preuve d’agilité et se substituent à l’état pour trouver des solutions concrètes à la sécurité des déplacements après le confinement. Dans un climat d’incertitude tant par la méconnaissance du virus que par les mesures gouvernementales, on attend de la part des opérateurs réactivité et pragmatisme.

Les premiers jours du déconfinement seront très challengeant, ils devront proposer un plan de transport et une gestion en gare en cohérence avec la situation. C’est pourquoi collectivités et transporteurs doivent plus que jamais travailler ensemble pour coordonner leurs actions. Concrètement, les transporteurs visent un retour progressif au taux de circulation de 100 %, en continuant d’anticiper la demande (proposer un service supérieur à la demande). Ils pourront étendre les heures de pointe pour limiter l’affluence sur le réseau.

Les transporteurs devront s’assurer d’être en capacité de répondre à l’offre attendue. Et pour cela, ils s’entraîneront au préalable. Certaines rames n’ayant pas fonctionné depuis 2 mois, nécessiteront tout un check-up des équipes de maintenance. Les fonctions support pour la reprise de l’activité devront naturellement être mobilisées : exploitation, conduite, méthodes et planification, maintenance, systèmes d’information, etc.

Fluidification des flux et nettoyages, le casse-tête des transporteurs

En gare, les transporteurs devront fluidifier au maximum les flux des voyageurs et éviter tout agglomérat immobile. Ils prépareront l’accès des gares en s’assurant que tous les équipements de ventes et de validation soient fonctionnels. Pour la distribution, ils pourront même encourager les solutions de télédistribution (vente par internet) ou l’achat des titres sur téléphone (applications transporteurs). Dans la mesure du possible, ils rouvriront un maximum de guichets.

Picto Train A2 ConsultingPour les grandes gares, l’accès aux quais pourra être filtré afin d’éviter la rencontre des flux entre passagers descendant et montant. La grève liée à la réforme des retraites nous a prouvé que cette technique permettait d’améliorer la vitesse d’écoulement.

Les passagers sont certes retenus mais les échanges avec un autre flux sont évités. Des marquages au sol pourront être déployés dans ces zones d’attente. Ce dispositif demande de mobiliser des agents en entrée et sortie de quai : sa mise en place n’est donc pas facile en début de déconfinement car les agents seront fortement sollicités en guichets.

Enfin, les transporteurs devront répondre aux défis du nettoyage et de la désinfection des rames, ils devront trouver un optimum entre le temps de nettoyage et de cadencement des trains. Cette stratégie de nettoyage sera un élément dimensionnant supplémentaire pour l’exploitation des trains.

Une approche humaine indispensable au succès de gestion de crise

De manière générale, il sera indispensable pour les directions de mener un management de proximité avec le terrain. Elles devront être à l’écoute, rassurer, donner les mesures et fournir les équipements nécessaires pour prévenir de tout risque de contamination. Leur enjeu est de maîtriser le climat social, déjà tendu par la réforme des retraites et par le ralentissement de l’activité. Tout mouvement social des syndicats ou droits de retraits généralisés seraient catastrophiques pour la suite de la gestion de crise.

L’information voyageurs jouera aussi son rôle, elle apportera un soutien psychologique. Elle rassurera les clients, en communiquant sur les dispositifs mis en place, sur la propreté du réseau, et rappellera les gestes barrière à mener. Les transporteurs prévoient d’équiper certaines gares de distributeurs de gel hydroalcoolique.
Les entreprises devront quant à elles encourager leurs collaborateurs à rester en télétravail dans la mesure du possible, alterner le télétravail une semaine sur deux ou échelonner dans la journée leurs heures d’arrivée et de départ.

À court et moyen terme, les opérateurs devraient enregistrer une baisse de leur activité au profit des déplacements à pied, à vélo et en voiture en mode autosoliste, car les usagers seront plus réticents à partager avec les autres.

Véhicule privé, solution de repli pour les covoitureurs et usagers des transports en commun

Les services de mobilité liés au véhicule privé sont également impactés, pour l’activité VTC, Heetch enregistre une chute de 80 %, pour l’activité Covoiturage courte distance, Karos, klaxit BlaBlalines estiment une chute entre 90 et 95 %, pour l’activité Covoiturage longue distance, Blablacar estime une chute entre 95 et 98 %.
Les opérateurs routiers participent à l’effort de solidarité en proposant des tarifs préférentiels pour le personnel soignant.

L’utilisation de la voiture individuelle a quant à elle seulement diminué de 70 %. L’espace sécurisé qu’elle offre (risque de contamination réduit) séduit une partie des usagers des transports.

Pour le déconfinement, un trafic routier chargé est attendu avec des axes principaux congestionnés. Le déconfinement chinois nous l’a montré, une population pourtant adepte du transport en commun en temps normal.
En revanche, l’activité de covoiturage devrait avoir quelques difficultés à remonter la pente, et devra être patiente avant de retrouver une activité à la normale. Le CEO de BlaBlaCar estime une reprise de l’activité entre 12 et 18 mois. Celle des bus longue distance sera d’autant plus longue.

Subventions, aménagement des territoires… Une crise qui profite aux mobilités douces

Comme tous les autres modes, les déplacements à vélo ont diminué. Conscientes de cette situation inédite, plusieurs agglomérations françaises (Paris, Grenoble, Montpellier) et à l’international (Berlin, Bogotá, Vancouver) ont profité de la réduction du trafic routier pour aménager des pistes cyclables temporaires (réduction de la chaussée).

En Île-de-France, on compte 400 000 cyclistes qui pourraient passer à 800 000 après le déconfinement. Les pouvoirs publics et autorités organisatrices des transports comptent bien promouvoir ce mode de transport. Le RER vélos en est un exemple, les pistes de vélos ressemblant au tracé des métros sont en cours d’études. Ce projet reconnectera la périphérie avec Paris et assurera une continuité cyclable, élément indispensable pour la cohérence de l’aménagement.

Malgré tout, les opérateurs continuent à déployer leur offre de service et maintiennent autant que possible leurs projets de transformation pour améliorer la qualité de service et gagner en performance et compétitivité.
Nous sommes fiers de continuer à accompagner nos clients opérateurs dans cette période difficile !

 


 

Article rédigé par Alexandre LEROLLE, Consultant Transport A2 Consulting, avec le concours de Chahden CHERIF, Associé Transport A2 Consulting

 

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