04 novembre 2020

Prise de parole / Avis d'experts

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L’objectif de simplification des démarches pour les particuliers inscrit le projet de loi ASAP dans la continuité des précédentes réformes de l’action publique

Il convient tout d’abord de rappeler que les enjeux relatifs à la simplification administrative et à la satisfaction des usagers du service public ne sont pas nés avec le Grand Débat national. Ainsi, dès 1947, le gouvernement de Paul Ramadier créait le premier Ministère de la Réforme administrative (et oui !).

Particulier parlant au téléphonePlus récemment, la Révision générale des Politiques publiques (RGPP, 2007-2012) assigne à la réforme de l’Etat un objectif d’amélioration de la relation entre le public et l’administration. Afin d’accélérer les procédures et de réduire les délais de traitement, la modernisation de l’organisation administrative est mise à l’ordre du jour. La RGPP acte notamment en 2008 la fusion de la Direction générale des impôts avec celle de la Comptabilité publique, qui forment aujourd’hui la DGFiP.

Pourtant, la crise économique de 2008 et l’urgence budgétaire compromettent la dynamique engagée par la RGPP. Les dispositions visant à accélérer et simplifier les démarches pour les usagers sont restées marginales, et l’on retient surtout de la RGPP la mesure très controversée du non-remplacement d’un fonctionnaire de l’Etat sur deux partant à la retraite.

A partir de 2012, la Modernisation de l’Action publique (MAP) entend reprendre les objectifs ambitieux de la RGPP. Ainsi, la loi du 12 novembre 2013 propose plus de « 200 mesures destinées à simplifier la vie des particuliers et des entreprises »[1] : c’est le fameux « choc de simplification » de François Hollande.

En particulier, la MAP acte la mise en place du principe du silence gardé par l’administration vaut acceptation, dit « silence vaut acceptation » (SVA). Jusqu’ici, l’absence de réponse suite à la demande d’un usager constituait un refus implicite de la part de l’administration. Le SVA induit donc un changement de paradigme complet pour les services administratifs. Puisque dorénavant, l’absence de réponse induit une acceptation implicite, tout l’enjeu est de réduire les délais de traitement des demandes afin d’avoir les capacités de toutes les instruire. Ainsi, le SVA accélère les procédures administratives.

De même, le programme « Dites-le nous une fois » (DLNUF)[2] vise à réduire la charge administrative pesant Entrepreneur remplissant des papiers sur une tablenotamment sur les entreprises, parfois sommées de communiquer les mêmes documents et informations plus d’une dizaine de fois par an aux divers services administratifs (Kbis, chiffre d’affaires, numéro SIRET, nombre d’employés…). Avec le programme DLNUF, l’échange de données entre administrations doit devenir la règle, et l’usager ne peut être sollicité que par exception. En matière de réponse aux appels d’offres publics notamment, le DUME[3], formulaire par lequel les entreprises se déclarent candidates aux marchés publics, est aujourd’hui conservé par les directions des achats de sorte que l’entreprise concernée n’ait pas à le fournir à chacune de ses candidatures (sous réserve que les informations renseignées dans le formulaire n’aient pas évolué).

Enfin, depuis 2017, le programme Action publique 2022 (AP22)[4] poursuit le défi de la simplification administrative. En particulier, il a été demandé à chaque ministère de réaliser un « plan de simplification et d’amélioration de la qualité de service[5] ». Dans ce cadre, plusieurs chantiers prioritaires ont été identifiés, comme la dématérialisation des demandes d’urbanisme (Ministère de la transition écologique et solidaire) ou la mise en place de la carte d’identité numérique (Ministère de l’Intérieur).

 

A première vue, les dispositions du projet de loi ASAP auront un impact limité sur le fonctionnement de l’administration

La plupart des dispositions proposées peuvent effectivement contribuer à accélérer et simplifier certaines démarches administratives, mais leur portée en matière de modernisation des services publics semble relativement restreinte :

– Suppression ou regroupement de commissions consultatives afin d’accélérer certaines procédures.

– Simplification des démarches administratives :

  • Dispense de justificatifs de domicile pour l’obtention de certains titres (cartes d’identité, passeports, permis de conduire) ;
  • Simplification de l’inscription à l’examen du permis de conduire ;
  • Suppression de l’obligation de fournir un certificat médical pour l’obtention d’une licence sportive pour les enfants ;
  • Simplification des procédures en matière environnementale et d’urbanisme afin d’accélérer les installations industrielles.

– Mise en place simplifiée d’accords d’intéressement pour les TPE.

– Passage d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration pour les pharmaciens souhaitant vendre des médicaments en ligne.

– Pour « rapprocher le service public des usagers», une quinzaine de décisions administratives, dans le domaine de la culture, de l’économie et de la santé, seront désormais instruites au niveau déconcentré (préfectures) et plus à l’échelon central (ministères).

Ainsi, en dehors de cette dernière disposition concernant les services déconcentrés de l’Etat, l’impact du projet de loi ASAP sur le fonctionnement de l’administration semble relativement limité.

 

Le grand retour du « silence vaut acceptation »

pictogramme bulle de BD avec points de suspensionMalgré ce que le projet de loi initial pouvait laisser présager, les répercussions sur certaines administrations pourraient cependant s’avérer plus importantes. En effet, un amendement adopté par le Sénat le 5 mars dernier prévoit de publier et de réviser tous les ans dans la loi l’ensemble des procédures dérogatoires au principe du « silence vaut acceptation ».

Les sénateurs à l’origine de l’amendement expliquent en effet qu’en l’état actuel du droit, « ce principe est dévoyé et rendu largement inapplicable »[6]. Certaines conditions, énumérées à l’article L231-4 du Code des relations entre le public et l’administration, permettent effectivement de maintenir de nombreuses procédures sous le régime du silence vaut rejet implicite. En outre, il reste possible de déroger au principe SVA par voie réglementaire. Ainsi, les sénateurs évoquent un récent rapport du Gouvernement partageant ce constat : en pratique, l’application du SVA relève de l’exception.

De ce fait, l’amendement adopté par le Sénat laisse un délai de deux ans au Gouvernement afin de prendre des mesures visant à améliorer l’application du SVA.

Les impacts sur le fonctionnement des administrations concernées se révèlent donc bien plus importants que ce que le projet de loi initial semblait présager. Le renforcement de l’application du SVA incite l’administration à répondre avec diligence : la dématérialisation des processus est une manière d’anticiper cette nouvelle contrainte.

L’administration numérique est généralement considérée comme un levier d’amélioration de la relation usager. Il est en effet bien plus confortable, pour une majorité d’usagers, d’effectuer une démarche en ligne à partir d’un téléservice, par exemple. La préservation de l’environnement est également mise en avant, avec les gains évidents que peut représenter la mise en place d’une procédure « zéro papier ».

Bénéfice plus rarement évoqué, la dématérialisation des processus constitue également un puissant vecteur d’harmonisation et d’amélioration des processus internes. La fluidification des échanges entre les entités et les services intervenant tout au long de la phase d’instruction d’une demande génère de nombreux gains de temps, permettant un meilleur respect des délais réglementaires. Avec, en outre, une amélioration de la qualité de service délivrée aux usagers.

 

Nos réalisations en matière de dématérialisation des processus

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C’est avec cette approche à la fois opérationnelle, réglementaire et soucieuse de la qualité de service qu’A2 Consulting intervient depuis plusieurs années auprès de collectivités et d’opérateurs de l’Etat notamment sur des projets de dématérialisation. Nos équipes sont présentes en amont des programmes via la réalisation d’études de cadrage, puis accompagnent les services tout au long de la phase de déploiement du projet. Les délais de traitement des demandes ont considérablement diminué, et l’application du « silence vaut acceptation » ne constitue plus une inquiétude pour les managers publics.

 

A2 Consulting est un cabinet de conseil indépendant en organisation et management qui mène depuis 2000 des missions de transformation des organisations publiques et privées, en alliant expertise métier et pilotage de projets, dans une démarche globale responsable. Transformation publique, pilotage de grands programmes, conduite du changement, transformation numérique et digitale : contactez nos experts du secteur public.

 


 

Article rédigé par Julia BELERT, Consultante Secteur public A2 Consulting, avec le concours de Thomas CADOR, Associé Industrie, Services et Secteur public A2 Consulting.

 

Pour en savoir plus sur nos savoir-faire dans le Secteur public, consultez notre page dédiée. Ou contactez notre Associé en charge du pôle Industrie, Services et Secteur public : Thomas CADOR.

 


 

[1] Programme de simplification, sur Modernisation.gouv.fr, 2013.

[2] « Dites-le nous une fois » : un programme pour simplifier la vie des entreprises, sur Modernisation.gouv.fr, 2013.

[3] Que signifie le principe du « Dites-le nous une fois » ?, sur Marché-public.fr, 2019.

[4] Comprendre la stratégie pour la transformation de l’action publique avec Thomas Cazenave, sur Modernisation.gouv.fr, 2018.

[5] Chantiers transverses AP22 : simplification et amélioration de la qualité des services, sur Modernisation.gouv.de, 2019.

[6] Amendement n°83 rect. bis, sur Sénat.fr, 3 mars 2020.

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